« Ulysse »
par Michel Dieudonné

Je suis sans voie,
juste une ombre qui dérape sur l’asphalte du néant.
Je marche sans fin,
sans début, sans fin,
sans mains pour m’accrocher à demain.
Je vogue.
Je peux plonger,
jusqu’au royaume des morts,
et même là,
je suis pas sûr qu’on m’entende.
Je sais pas ce qui me pousse,
ni ce qui me freine.
Je suis sans patrie, sans port, sans drapeau,
juste un exilé qui fuit devant lui-même,
peu importe ce qu’il advient,
parce qu’il reste plus rien à perdre.
J’ai ni race,
ni couleur de peau,
je parle toutes les langues
et j’en comprends aucune.
Ma vie ?
Une suite d’épreuves,
à chaque coin de rue,
le regard fixe, blanc,
de cet autre qui bouge pas
mais qui m’enferme du regard.
On veut m’engloutir,
me geler le cœur,
m’hypnotiser jusqu’à l’oubli,
me dévorer vivant sans même m’avaler.
Mais moi, je continue.
Je marche.
Je trace.
Loin. Très loin.
Au bout du bout,
là où le silence rencontre l’horizon,
je sais qu’il y aura ce miroir.
Et dans ce miroir,
sur un fond de ciel bleu,
il y aura l’être.
L’être sans genre,
sans âge,
sans couleur,
l’être aux cent mille visages,
celui qui est moi,
sans jamais m’avoir appartenu.