« Les âmes heureuses »

Contribution de Marie Edith Robinne

Les vagues viennent et reviennent. Le soleil est doux maintenant. La chaleur monte de la terre. Il fait encore chaud. Les vagues viennent et reviennent. À cet endroit elles s’étirent paisiblement sur le sable. Elles s’étalent et se meurent simplement. Sans manière. 

Au bord de l’eau, au bord de l’océan, j’attends. l’inspiration et le divin. J’attends bercée par les vagues, par le mouvement, par le son et par leur odeur. J’attends que je jour finisse alors que la nuit monte. J’attends sans attendre et j’attends pourtant. Les vagues, et l’odeur et le son m’enveloppent et colmatent l’attente. Je pourrais presque ne plus percevoir que j’attends. Et pourtant j’attends encore. 

Mes pensées filent, mon corps est lourd. Je porte la mémoire, les temps d’autrefois. Je regarde le ciel si plein et entier. La variation des bleus est limpide. Je me laisse absorber par les sensations même par celles que je ne ressens pas. Par les odeurs même par celles que je ne sens pas. Par les bruits même par ceux que je n’entends pas. Une éponge. Ouverte, palpitante, retenir mon souffle pour ne rien perdre, ne rien risquer d’oublier. Laisser les vibrations, les émotions, les ressentis et le souvenir flotter à l’intérieur de moi. Bercée par les vagues, l’odeur, le mouvement, la couleur. 

L’attente est longue et le coeur bat trop vite. L’attente est longue. La nuit est tombée, les vagues brillent. 

Il fait toujours chaud. 

Le son amplifie la nuit. J’attends encore, j’attends toujours. J’attends peut-être et j’oublie que j’attends. 

Elle est là. Je souris de joie et de connivence. Sa silhouette est suspendue dans les airs. Elle est là. Dorée et légère, si légère. Elle est là. Sa présence se multiplie à l’infini. Elles sont là. Des âmes qui dansent et flottent. Je les reconnais sans les connaître. Elles portent le temps et l’espace, le passé et le présent. Elles sont le futur et maintenant. Les âmes dorées. Elles vivaient il y a très longtemps. Elles sont mortes hier. Elle sont encore ici ou là bas. Les âmes dorées. Elle racontent les mythes et les contes. Aussi les petites histoires et les comptines  « A vous dirais-je maman, ce qui cause mon tourment ».

Nulle raison, nul tourment, simplement un instant où la nuit est portée par le jour. Il fait encore chaud. Les âmes bruissent et racontent. Elle nous parle d’antan et de celles qui sont parties. Elles, qui flottent ou dansent sur l’autre rive. Elles vivent une nouvelle vie, sur un nouveau continent. Elles chantent une nouvelle langue qui passe par le corps. Elles murmurent et la vibration sonne au plus près du coeur à moins que ce ne soit  dans la gorge, au bord du souffle. C’est un air qui traîne dans la tête. Un mot qui roule en boucle. Encore et encore.

Les âmes qui passent veulent être sûres d’être entendues.

Nous sommes les âmes heureuses et nous nous élevons au son de nos prières, de nos chants et du vent qui ondule. Nous glissons sans jamais rester. Nous sommes les âmes heureuses et toi qui tends l’oreille, qui ouvres le corps pour saisir sans savoir. Qui cherches et espères. Pour celles et ceux  qui sont passé.e.s, qui sont venu.e.s, qui ont marché longtemps, Pour celles et ceux qui sont oubliés, qui n’ont rien pris. Nous sommes les âmes heureuses et nous oscillons entre les vagues, En un instant nous sommes ici. En un instant nous sommes là-bas. Présentes, absentes, venues et reparties. Nous sommes les âmes heureuses. Nous sommes venues danser. Nous sommes venues tourner et peut-être chanter.

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